LOUP DE MON COEUR

Le gouvernement français a présenté cette semaine son nouveau plan loup, face aux attaques du prédateur contre les troupeaux de moutons. Le loup, dont descend le chien, « le meilleur ami de l'homme », est pourtant un animal utile à l'équilibre de la nature.

Tirs groupés sur le loup, qualifié au début du mois de « danger réel » par la présidente de la Commission européenne (dont le poney a été attaqué par un loup...), avant que le gouvernement français ne dévoile cette semaine son nouveau plan loup, qui prévoit notamment de réviser à la baisse le statut de protection de l'animal. En France, le loup avait été éradiqué il y a un siècle. Mais aujourd'hui, on a vu le loup dans la moitié des départements, et on compte un bon millier d’individus à travers tout le territoire. Contrairement à l’ours, le loup gris n’a pas été réintroduit par les humains : son retour, en France, s'est fait naturellement, en 1992, dans les Alpes du sud, grâce à deux loups venus d’Italie. L’animal ne cesse depuis de gagner du terrain, parce que le terrain est favorable.

« La table a été mise pour le loup »

« À partir des années 70, avec la révision des politiques de la chasse, il y a eu une augmentation très forte de tous les grands herbivores : chevreuils, cerfs, d'autres ongulés comme le sanglier, souligne Jean-Louis Martin, directeur de recherche émérite au CNRS. Donc la table a été mise pour le loup, par ailleurs officiellement protégé. Enfin l'animal a une bonne capacité de dispersion : le loup peut se déplacer d'une centaine de kilomètres par jour sans problème ». Le jeune loup, pour se reproduire, vers l'âge de deux ans, doit en effet quitter sa meute, et trouver un nouveau territoire, loin des siens, ainsi qu'une partenaire...

Le grand méchant loup n’attaque les humains que s’il a la rage. Il se nourrit essentiellement d’animaux sauvages. Mais ne crache pas, à l’occasion, sur les moutons : 12 000 attaques d'ovins recensées l'an dernier en France, au grand dam des éleveurs, fragilisés dans leur activité. Les moutons et autres brebis sont des proies faciles pour ce grand prédateur. « Dans la nature, la plupart des espèces s'enfuient face à une attaque, souligne l'écologue Jean-Louis Martin. Le problème, c'est que l'humain, quand il a domestiqué les mouflons, devenus des moutons, s'est allié avec le loup, sous la forme du chien, puisque le chien est un loup domestique. On a sélectionné des individus qui au lieu de se disperser se rassemblent...».

 

 

Un prédateur utile à la biodiversité

En réponse au désarroi des éleveurs, le plan loup du gouvernement pour la période 2024-2029 prévoit d'augmenter le quota de loups tués et d'élargir les conditions de tirs face aux loups qui s'approchent des troupeaux d'ovins. « On met l'accent sur tuer plus de loups, regrette Jean-Louis Martin, alors que la question c'est : comment avoir moins de moutons tués ».

 

Le loup, une espèce aujourd'hui « strictement protégée », est en effet fort utile à l'équilibre de la biodiversité, comme l'a souligné notamment une étude conduite par le chercheur français. « On a montré qu'en l'absence de prédateurs, les cerfs étaient capables de réduire de 90% la végétation du sous-bois, d'empêcher certaines espèces d'arbres de se régénérer, ce qui a des conséquences, ensuite, sur les insectes, les oiseaux, et même sur la qualité des sols. Créer un monde sans carnivore, alors que depuis 400 millions d'années le monde s'est construit autour de la tension entre les herbivores et les carnivores, modifie totalement le fonctionnement et l'équilibre de la nature », conclut Jean-Louis Martin. Le loup, le meilleur ennemi de l'homme, illustre l'éternel choc entre activités humaines et respect de la biodiversité.

 

« Même le caniche à sa mémère descend du loup ? »

Il n'y a que 0,2 % de différence d'ADN entre un chien et un loup, le premier animal domestiqué par les humains. Canis lupus comprend 40 sous-espèces, dont le loup gris et le chien, Canis lupus familiaris. Au Paléolithique, hommes et loups chassaient les mêmes proies, avant que l'animal, apprivoisé sur des milliers d’années, ne garde les troupeaux des premiers éleveurs. Une domestication qui a d'ailleurs modifié le système digestif de l'animal : le loup est un strict carnivore, alors que le chien est capable d'assimiler l'amidon, le sucre lent issu des végétaux. Depuis, de multiples races de chiens ont été créées par la sélection humaine. Si « Dieu a inventé le chat pour que l'homme puisse caresser un tigre », comme l'écrivait Victor Hugo, le chien est un loup qui mange dans la main de mémère.